Position de l ANIA sur l article 5 du projet de loi de santé
Un modèle alimentaire à promouvoir une filière d excellence à défendre
Au moment d aborder un débat sur l information du consommateur et sur son alimentation il est essentiel de rappeler l importance du modèle alimentaire français et de ses forces
Notre culture de l alimentation met en valeur le plaisir la diversité et la qualité des produits les traditions culinaires et le repas convivial structuré autour d‘une table
Notre alimentation est issue d une filière d excellence où la qualité est présente à toutes les étapes de la production à la transformation des produits artisanaux aux produits industriels C est notre force en France et à l étranger et nous devons tous ensemble promouvoir et défendre ce modèle alimentaire
Nous refusons donc une approche médicalisée de l alimentation qui ne correspond en rien à nos habitudes et à notre culture
Nous refusons une stigmatisation des produits par des pastilles de couleurs qui nuirait gravement à notre image et à l image de la gastronomie française en général
La filière alimentaire française s améliore sans cesse et elle le prouve chaque jour par l innovation et une attention permanente à la qualité et la sécurité sanitaire
La France n a pas de leçon à recevoir des autres pays sur son alimentation pas plus que sur la prévention des mauvais comportements alimentaires: avec un taux d obésité les plus faibles de l OCDE et une stabilisation de sa prévalence il y a sans doute une explication positive à trouver dans notre approche de l alimentation
Transmettre les bons comportements alimentaires et poursuivre la lutte contre l obésité
Derrière ces résultats encourageants qui invitent l ensemble des acteurs à poursuivre leurs efforts il demeure une véritable « fracture nutritionnelle » au sein de la société française avec une relation inversement proportionnelle entre niveau de revenus du foyer et prévalence de l obésité
L obésité : une problématique multifactorielle
L obésité est un problème global de santé publique mais dont les causes sont multiples contexte familial et social mode de vie facteurs génétiques … Mais c est en particulier l inadéquation entre l alimentation et les modes de vie manque d activité physique sédentarité temps passé devant la télévision manque de sommeil… qui en est responsable
L Éducation : la 1ère et la meilleure réponse
La meilleure réponse pour prévenir les mauvais comportements alimentaires est et restera toujours l éducation dès le premier âge Cette éducation à l alimentation devrait se faire sur la connaissance des aliments leur diversité la composition des menus et bien sûr le rôle central du repas structuré à table
Dans le même temps l éducation doit promouvoir l ensemble du parcours de santé et notamment la promotion de l activité physique
Proximité et projets ciblés : la seule réponse efficace pour réduire les inégalités sociales de santé
Pour s adresser à des populations plus exposées aux risques d obésité notamment les populations les plus défavorisées l autre réponse efficace est de bâtir des politiques et programmes de proximité ciblées sur les besoins réels des personnes Certains de ses programmes ont permis des résultats très significatifs jusqu à diminuer de moitié les taux d obésité des populations accompagnées C est cette méthode qu il faut promouvoir et sur laquelle doivent se concentrer les moyens publics et privés
L Information des consommateurs au cœur de nos préoccupations
Une bonne information représente un élément fondamental dans la relation de confiance entre les entreprises et les consommateurs Et le consommateur est et reste notre priorité il est évidemment au cœur de nos actions tout simplement parce qu il est la raison d être de nos métiers Nous lui devons une écoute attentive de ses besoins une information sincère fiable factuelle positive et pertinente sur les produits et le dialogue ouvert Et naturellement nous lui devons aussi la qualité et la sécurité Cette transparence est essentielle pour entretenir un lien de confiance de plus en plus exigeant
La nouvelle législation européenne applicable depuis décembre 2014 contribue à rendre les étiquettes plus lisibles plus complètes et comparables Après une mobilisation majeure des moyens humains et financiers des entreprises la quasi totalité des emballages ont été modifié en fin d année 2014 pour répondre à ces nouvelles exigences réglementaires On ne peut pas balayer d un revers de main ces améliorations et en particulier la nouvelle déclaration nutritionnelle qui apporte aux consommateurs une information nutritionnelle identique simplifiée et harmonisée sur tous nos produits
Ainsi nous sommes évidemment favorables à poursuivre le travail d amélioration de l information dans le cadre de la réglementation européenne proposé par la rédaction de l article 5 du projet de loi de santé
Mais dans le même temps nous considérons que l étiquetage n est pas le bon outil pour atteindre tous les objectifs visés dans l exposé des motifs de l article 5
Les consommateurs souhaitent toujours plus de clarté et de transparence dans l information pour les aider dans leurs choix En aucun cas ils ne demandent à ce qu on leur dise ce qu ils doivent manger ou non L information complémentaire ne doit pas se transformer en consigne de choix qui risquerait d être contreproductive
Un risque d effets contreproductifs sur les populations défavorisées
Une mesure d étiquetage simpliste n est pas neutre et les effets positifs escomptés sont très incertains et en tout cas n ont fait l objet d aucune étude d impact approfondie à ce jour En revanche de nombreux spécialistes et notamment sociologues mettent en garde contre les effets contre productifs que les prescriptions peuvent avoir directement ou indirectement sur les personnes de catégories sociales moins favorisées Le choix de favoriser des objectifs de santé à long terme est beaucoup moins central dans certaines catégories de populations que le besoin prioritaire de nourrir la famille sous contrainte économique Les messages de prévention santé destinés à l ensemble de la population sont donc moins bien compris ou en tout cas moins pris en compte chez les populations les plus précaires
Ils peuvent par ailleurs être vécus comme culpabilisants et de ce fait rejetés surtout s ils prônent des comportements trop éloignés des habitudes initiales
Pour faire changer les comportements il faut créer des questionnements sur les pratiques sans juger et surtout sans interdire encore une fois par de l éducation et de l accompagnement directement sur le terrain Pour être efficaces les messages doivent être adaptés
L optimisation nutritionnelle est avant tout une question d engagement collectif
Depuis 2008 les actions pour l amélioration de l offre alimentaire peuvent être mesurées par l Observatoire de la Qualité de l Alimentation Oqali
L implication de l ANIA et l engagement de la totalité de ses secteurs permettent d objectiver tous les efforts volontaires réalisés ces dernières années sur la composition des produits qu ils aient été formalisés ou non par un partenariat avec les pouvoirs publics chartes accords collectifs pactes qualité ingrédients et de suivre précisément dans les années à venir l évolution de la composition des aliments
Nos propositions:
Sur l information du consommateur
Le règlement européen sur l information du consommateur va modifier profondément les étiquetages notamment en rendant obligatoire l étiquetage nutritionnel Comment accompagner le consommateur Nous avons élaborés des outils pédagogiques diffusés par les entreprises et qui pourraient être utilement relayés au moyen de campagnes d information plus large sous l égide de la DGCCRF à destination des consommateurs
Une information complémentaire doit :
Prendre en considération les questions que se posent quotidiennement les consommateurs et ne pas créer de problématiques nouvelles sur un sujet aussi complexe
S appuyer sur les déterminants des pratiques et de l équilibre alimentaire : la portion la fréquence les associations d aliments et le moment de consommation
Faire l objet d une concertation approfondie d une expérimentation en conditions réelles d achat et d une étude d impact par rapport aux objectifs visés
Enfin ces précautions prennent en compte le constat partagé notamment par la récente étude du Fonds Français Alimentation Santé selon lequel il n existe aucun dispositif idéal et que chaque système possède des biais importants en fonction de la méthode utilisée et de l objectif recherché
Afin de mieux cibler la prévention et les actions d éducation à destination des populations victimes de la « fracture alimentaire » : il faudrait identifier sous l autorité des ARS une ou plusieurs actions expérimentées et évaluées menées sur un territoire qui pourraient être déployées dans d autres régions avec un financement collectif via notamment le Fonds Français pour l alimentation et la santé
Sur l amélioration de l offre alimentaire en particulier sur les aspects nutritionnels il faut poursuivre les démarches collectives engagées dans le cadre des pactes qualité ingrédients
Madame la Ministre
Je souhaite vous alerter sur les discussions en cours sur l étiquetage nutritionnel des produits alimentaires qui fait l objet d un article du projet de loi de modernisation de notre système de santé actuellement en discussion au parlement
Comme je l ai affirmé à plusieurs reprises je suis très favorable à une clarification de l étiquetage nutritionnel trop souvent incompréhensible aujourd hui pour les consommateurs or une information claire et opérationnelle est indispensable pour que le conseommateur qui est celui qui décide au final puisse mieux choisir ce qu il mange et donc pour aller vers une alimentation toujours plus équilibrée pour le plus grand nombre de nos concitoyens
Je crois d ailleurs avoir contribuer à convaincre une grande partie de la filière agro alimentaire de l intérêt d une évolution de la situation actuelle : alors que le secteur était encore réticent il y a quelques mois à toutes idée d évolution de l étiquetage nutritionnel il est désormais engagé dans une réflexion dynamique sur un dispositif permettant de remplir les objectifs de l article 5 du projet de loi de modernisation de notre système de santé tout en respectant l encadrement juridique communautaire
Cependant deux conditions me paraissent indispensables à remplir si le Gouvernement veut pouvoir aboutir sur ce sujet
Toute abord l étiquetage ne doit pas stigmatiser des prouits Le régime alimentaire français s appuie sur la diversité des produits Il n y a pas de produits « interdits » ou alors ils sont interdits à la commercialisation par anticipation mais des produits à consommer en plus ou moins grand quantité et plus ou moins régulièrement Cette vision de l alimentation a largement fait ses preuve en matière de santé publique comme le prouve la comparaison des statistiques d obésité dans différents pays Un étiquetage nutritionnel efficace sera donc celui qui donne d abord une information sur le bon usage des produits aliementaire la fréuence de consommation conseillée etc En somme il nous appartient collectivement d aider le consommateur à choisir et « gérer » son alimentation en fonction de ses propres besoins et à faire de la pédagogie sur l alimentation mais sans culpabilisation
Ensuite dans la mesure où l usage de l étiquetage est volontaire il doit être soutenu par les fabricants de produits alimentaires et par les distributeurs tout en remplissant évudemment son objectif et en étant reconnaissable et fiable aux yeux des consommateurs Rien ne serait pire qu un étiquetage rejeté par les acteurs industriels et de la grande distribution qui serait au final utilisé de façon minoriatire et probablement réservé à nos concitoyens les plus aisés qui sont déjà ceux qui sont les plus sensiblés à ces problématiques et les moins exposés à l obésité
Le système dit « SC » ou « Hercberg » du nom de son principal promoteur qui semble avoir les faveurs de vos services ne me semble pas de nature à remplir ces conditions et m apparaît par conséquent comme une piste qu il convient d écarter aujourd hui même si elle a pu être utile au débat L amélioration de l équilibre nutritionnel de tous nos concitoyens quelle que soit leur situation ou leur histoire suppose d avancer sur plusieurs fronts : éducation à l alimentation et à la nutrition en commençant dès le plus jeune âge amélioration de l information nutritionnelle et amélioration des produits eux mêmes dans leur fabrication En misant sur le partenariat et les chartes d engagements sur la bonne volonté et le sens de la responsabilité des acteurs nous avons réussi à faire avancer des secteurs comme la charcuterie ou les sodas respectivement sur les teneurs en gras et sel et sur les teneurs en sucre Il nous faut poursuivre avec cette méthode et donc construire avec les distributeurs et les industriels une solution consensuelle et pertinente sur l étiquetage nutritionnel des produits alimentaires
Mes service et notamment la Direction générale de l Alimentation sont à la disposition de la Direction Générale de la Santé pour avancer sur ce sujet
Je vous pris de croite Madame la Ministre à l assurance de ma considération distinguée