1702541 2099 83220459b8bb71b27d2f0ead67702c3d Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, mesdames, messieurs les sénateurs, votre assemblée examine ce projet de loi depuis six mois, sous la houlette de son rapporteur, Jérôme Bignon, dont je veux une fois encore saluer l’engagement, la rigueur et la volonté de trouver des voies de compromis, même si cela n’a pas toujours été facile !Six mois pendant lesquels vous avez dialogué avec le Gouvernement, pendant lesquels l’Assemblée nationale, prenant votre suite, a travaillé sur ce texte, un texte indispensable, un texte que nous voulons ambitieux. En effet, ce texte est un texte d’espoir, qui repose sur le postulat que la perte de biodiversité peut être enrayée et le mouvement inversé. Le rythme actuel de disparition des espèces animales et végétales est 100 à 1 000 fois supérieur au taux naturel d’extinction ! Répondre à ce défi est notre objectif, parce qu’il s'agit d’une question vitale, au sens premier du terme.Malheureusement cette conscience n’est pas encore inscrite dans les esprits, contrairement à celle des dangers du réchauffement climatique, par exemple. Cela tient, à mon sens, à deux facteurs qui se cumulent.Premier facteur, il est difficile de convaincre de la nocivité du niveau de nos prélèvements sur la nature, qu’il s’agisse de destruction d’espaces ou d’espèces, dès lors que cette nature a des capacités de régénération.Parler de la consommation d’une ressource finie, c’est simple et facilement explicable : lorsque la ressource est épuisée, elle est épuisée ! D’une certaine manière, la baisse du stock est perceptible, et on peut en suivre l’évolution sans trop de difficultés. Il est plus difficile de parler d’une ressource qui se régénère d’elle-même : la nature possède des capacités importantes pour se restaurer grâce à sa diversité, à condition, tout de même, qu’on ne l’ait pas trop gravement endommagée.Or, sur nombre de points, nous avons dépassé un seuil, celui au-delà duquel la régénération n’est pas suffisante pour compenser les destructions que nous causons à la nature. Et cela, c’est difficile à faire admettre.Un second facteur complique encore la prise de conscience : on se heurte parfois à la croyance en un progrès illimité, qui permettrait, comme par enchantement, de faire reculer ce seuil au-delà duquel la régénération naturelle ne peut plus produire ses effets.Ce texte nous invite à croire en la science et à faire confiance au progrès, mais à un progrès qui s’appuie sur la nature, qui s’en inspire, cherchant à mieux la protéger, à la valoriser sans la détruire ou la dégrader. Car dans un monde qui prend conscience de sa finitude, c’est finalement cela, le progrès.Notre action publique, et ce projet de loi nous y invite, doit combattre les facteurs qui menacent la biodiversité : la disparition des habitats et des milieux naturels dans lesquels les espèces évoluent, la surexploitation des ressources, les pollutions, le développement d’espèces exotiques envahissantes et le réchauffement climatique.Alors que je disais cela à l’Assemblée nationale, j’ai entendu un député de l’opposition me rétorquer : « Mais nous sommes tous d’accord là-dessus, ce ne sont que des généralités ! » Eh bien, précisément, non ! En effet, ce texte que Philippe Martin a préparé, que Ségolène Royal a concrétisé, que je porte aujourd’hui et que les parlementaires, députés et sénateurs confondus, ont travaillé et enrichi, tire des leçons et des conséquences concrètes de ces constats. Et c’est sur ces conséquences concrètes et sur les mesures qui seront adoptées que les Français jugeront.Les Français, parlons-en. Comme je l’expliquais à l’instant, je mesure chaque jour, lors de chaque rencontre ou déplacement que je suis amenée à faire, à quel point la conscience de l’enjeu de la biodiversité demande encore à être développée. Et, dans le même temps, je mesure à quel point les attentes sont fortes lorsque les facteurs de perte de biodiversité sont évoqués.Il faut dire que les événements, parfois les crises, concourent à cette prise de conscience et à ces attentes fortes. C’est la nécessité de préserver les zones humides, par exemple, qui apparaît dans toute son acuité à l’occasion des crues et de leurs conséquences. C’est le devoir de limiter la consommation de nos ressources naturelles qui ne se régénèrent pas au rythme de leur disparition. C’est la volonté de lutter contre les pollutions, leurs causes, mais aussi leurs conséquences. « Généralités » que tout cela ? Eh bien non !Non, parce que la préservation des zones humides passe par la lecture la plus stricte possible du principe de « zéro perte de biodiversité », par un mode d’emploi plus clair et plus efficace du principe « éviter, réduire, compenser », par une clarté et une opérationnalité du principe de compensation.Non, parce que la lutte contre les pollutions passe par une interdiction à court terme, dans des conditions bien évidemment soutenables pour les agriculteurs, des néonicotinoïdes tueurs de pollinisateurs, ainsi que par une traduction fidèle de la jurisprudence de l’Erika sur les responsabilités et la réparation dans la loi, dans le cadre du préjudice écologique.Autant de points – j’aurais pu en citer quantité d’autres ! – qui figurent dans ce projet de loi et sur lesquels subsistent, il faut le dire, à la lecture des modifications intervenues en commission, des différences d’appréciation, de ces différences qui font, précisément, sortir des généralités, pour entrer dans l’opérationnalité.Le projet de loi qui vous est soumis est complet dans sa conception, enrichi dans son examen. Il sera le cadre de nos politiques de biodiversité pour des années. Il convient donc d’en faire un texte partagé, comme cela avait été le cas avec la loi de 1976 sur la protection de la nature, dont nous avons fêté hier les quarante ans.J’étais samedi dernier à Saumur, au congrès de la ligue de protection des oiseaux, la LPO, qui avait judicieusement invité, pour parler de la loi de 1976, plusieurs anciens ministres de l’environnement. Ce que je retiens de ces échanges, c’est que, au-delà des différences d’approche, qui sont de nature politique et qui sont parfaitement légitimes en démocratie, chaque acteur ayant témoigné lors de la table ronde consacrée à la loi de 1976 a eu à cœur d’assurer l’application la plus fidèle des principes et dispositifs de cette loi.Il convient donc de penser que le texte qui nous est proposé est non le texte d’un gouvernement, même s’il vous est proposé par ce gouvernement, non le texte d’une majorité, même s’il sera probablement voté par la majorité de l’Assemblée nationale, non le texte d’aujourd’hui, même s’il est essentiel qu’il soit adopté au cours de cette législature, comme le Président de la République s’y était engagé.Non, ce sera le texte de la République, qui sera appliqué par des gouvernants à venir, quelle que soit leur orientation politique ! Et les dispositifs qu’il crée, les occasions qu’il offre, les outils qu’il consacre seront utiles à tout gouvernement qui aura à cœur d’assurer la protection et la reconquête de la biodiversité.Je vous appelle donc à dégager votre jugement et vos choix de considérations de circonstance, pour assurer à tous les responsables, actuels, mais aussi à venir, les moyens d’une politique ambitieuse de biodiversité.Ainsi, j’ai noté la volonté réitérée, au travers d’un certain nombre d’amendements, de distinguer les rôles de police administrative et de police judiciaire, selon l’appartenance des agents de terrain à l’Agence française pour la biodiversité, l’AFB, ou à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS.Je ne puis que vous mettre de nouveau en garde contre cette tentation, qui, outre qu’elle va à l’encontre du bon fonctionnement des opérations de contrôle sur le terrain, exprimerait un signe de défiance envers les personnels de la future AFB. En effet, les compétences en question ne sont pas seulement le fruit d’un texte de loi. Elles sont aussi la conséquence de savoir-faire et d’expériences que la loi doit venir reconnaître et consacrer.Ne pas le faire, ce ne serait pas seulement menacer le processus de création de l’AFB, lequel se déroule aujourd’hui dans des conditions positives. Ce serait rendre extrêmement difficile, par la suite, le fonctionnement de l’Agence sur le terrain. Ce serait rendre un mauvais service et à la biodiversité et aux responsables ministériels futurs, qui auront à travailler en bonne intelligence avec un opérateur central, celui de nos politiques de biodiversité.Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est de tout cela qu’il s’agit. Votre tâche va bien au-delà de l’adoption d’une ligne dans un texte de loi, cet été, à la veille de l’interruption des travaux parlementaires. Il vous revient de doter, ou non, notre pays de la capacité d’être à la hauteur des attentes suscitées dans les prochaines années.Comment pourrions-nous l’être si nous édulcorions les grands principes proposés par ce texte, si nous nous contentions de leur interprétation a minima, si nous revenions sur des dispositifs ambitieux, si nous ne répondions pas aux attentes de l’opinion sur de nombreuses questions – je pense, en particulier, aux néonicotinoïdes ?Je tire de mes visites de terrain deux convictions : tout d’abord, je vous l’ai dit les Français attendent que nous allions plus loin. Ensuite – je dois vous avouer que cela m’a assez agréablement surprise –, très nombreux sont les acteurs économiques qui nous demandent d’agir avec audace et détermination.On oppose trop souvent biodiversité et développement économique. C’est oublier les entreprises qui tirent leur activité d’une biodiversité en forme, les entreprises qui innovent et qui sont souvent prometteuses ; j’ai encore eu l’occasion de le mesurer à Senlis, la semaine dernière, au congrès de biomimétisme.C’est aussi oublier les agriculteurs, dont l’apport à la biodiversité est enfin consacré dans ce texte et auxquels nous devons donner de la visibilité pour l’avenir et des outils d’accompagnement au changement lorsque c’est nécessaire. Les agriculteurs que je rencontre, et j’en rencontre beaucoup, ne demandent pas à continuer d’utiliser des produits dont ils connaissent les effets potentiels ou avérés. Ils nous demandent de les aider à en sortir, ce qui est la philosophie de ce texte.Je vous le disais et vous le répète en conclusion, ce texte est un texte de confiance dans un pays, la France, sur lequel reposent tant de responsabilités. Des responsabilités qui tiennent à ses richesses naturelles, en métropole et outre-mer, mais aussi des responsabilités que j’ai évoquées devant vos collègues députés et que j’ai pu mesurer récemment lors de la deuxième Assemblée des Nations unies pour l’environnement, qui s’est tenue à Nairobi. Des responsabilités qui tiennent au statut de notre pays dans le concert des nations : dans le monde, notamment depuis la réussite de la COP 21, la voix de la France, sur les questions environnementales, est entendue, est attendue.Aussi, collectivement, soyons dignes de nos richesses naturelles, soyons dignes de cette attente, soyons à la hauteur de cet enjeu de la biodiversité, qui conditionne l’avenir des générations à venir ! 300 http://www.senat.fr/seances/s201607/s20160711/s20160711_mono.html#par_65 14987 57833 loi 2016-07-11 7020 secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité 2016-07-16 03:47:49 2016-07-16 03:47:49 http://www.nossenateurs.fr/seance/14987#inter_83220459b8bb71b27d2f0ead67702c3d