1390690 2189 5d0a9b05724861fd939f148aaac4a1b8 Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Sécurités » nous donne un bref aperçu de la politique que le Gouvernement souhaite mener en matière de sécurité, un aperçu qui reste néanmoins éclairé par les résultats fournis par les statistiques.Depuis 2002, la gauche semble avoir opéré une véritable inflexion dans son approche des thématiques sécuritaires. Je le dis avec bienveillance, monsieur le ministre : nous croyons tous ici à votre détermination personnelle à lutter contre l’insécurité sous toutes ses formes. Ainsi, l’examen des crédits de cette mission est de nature à conforter notre groupe dans cette appréciation, même si les derniers chiffres de la délinquance, conjugués à la politique pénale du Gouvernement, qui reste sujette à caution, nous conduisent à penser que la route est encore longue.Tout d’abord, malgré une augmentation du budget et des réorganisations fonctionnelles louables, les forces de l’ordre manquent de moyens opérationnels suffisants.Lorsqu’on examine les crédits de la mission « Sécurités », un chiffre émerge immédiatement, c’est celui des créations de postes. Ainsi, dans le projet de loi de finances pour 2015, il est proposé de créer, comme en 2014, 405 postes dans la police et la gendarmerie. Avec ce choix, vous portez le total des créations d’emplois à 1 290 équivalents temps plein depuis 2013. Bien sûr, et vous auriez tort de faire autrement, l’essentiel de la communication gouvernementale en matière de sécurité s’articule autour de ces deux chiffres.Cela se traduit par une augmentation par rapport à 2014 des crédits de paiement et des autorisations d’engagement pour atteindre respectivement 17, 76 milliards d’euros et 17, 74 milliards d’euros. En d’autres termes, la gendarmerie et la police nationales seront épargnées par les coupes budgétaires que subissent d’autres secteurs.Cet arbitrage aura néanmoins un prix, celui d’une significative réduction des mesures catégorielles. Une comparaison est éloquente à ce sujet : les mesures catégorielles dans la police nationale passeront de 20, 88 millions d’euros en 2015 à 13, 62 millions d’euros en 2016 et à 0, 65 million d’euros en 2017. Ce n’est pas tout : l’impact du schéma d’emplois ne sera que de 0, 5 million d’euros en 2016, contre 19, 5 millions d’euros pour l’année 2015. C’est à ce prix qu’on arrive à stabiliser une masse salariale malgré une augmentation des effectifs. Et je ne m’attarderai pas sur le stock d’heures supplémentaires, qui pourrait s’élever à plus de 300 millions d’euros !Une stabilisation de ces dépenses est attendue pour les exercices 2016 et 2017 en ce qui concerne les dépenses afférentes à la police nationale.Pour la gendarmerie, la situation est identique. La hausse des effectifs doit être compensée par « l’effet de repyramidage et la limitation des nouvelles mesures catégorielles ». Pour illustrer cette situation, signalons que les schémas d’emplois pour 2014 et 2015 n’entraînent qu’une hausse de 1, 5 million d’euros de la masse salariale.L’autre difficulté que pose ce « dogme des effectifs », si je peux m’exprimer ainsi, c’est la question des redéploiements qui visent à mettre davantage de personnels de police sur la voie publique.Pour revenir un instant sur l’action du précédent gouvernement, de la précédente majorité, il est utile de rappeler que la nouvelle organisation de la police, notamment en ce qui concerne les patrouilleurs et les forces mobiles, nous avait permis, à effectif constant, d’augmenter le nombre de patrouilles sur la voie publique de près de 25 %.Dans le cadre de l’examen de ce projet de loi de finances, le rapport souligne que des synergies administratives et directionnelles ont permis le redéploiement de 547 postes de policiers nationaux en deux ans. La méthode est sans doute la bonne, mais l’ampleur des redéploiements est insuffisante pour être véritablement perceptible par nos concitoyens.Pour la gendarmerie, on observe un mouvement inverse puisque le plafond d’emplois consacré à l’exercice des missions de sécurité et de paix publiques a été diminué de 180 équivalents temps plein travaillé par rapport à l’année dernière.L’autre dommage collatéral de ce budget, c’est l’effritement progressif des moyens opérationnels pour les forces de l’ordre, et cela, malgré des mutualisations croissantes entre police nationale et gendarmerie, même si nous saluons ce mouvement de mutualisation.À ce titre, je dirai un mot de la création du service de l’achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure. Le SAELSI s’est vu confier la synergie de la logistique de la gendarmerie et de la police nationales ; malheureusement, les économies faites n’apporteront pas de moyens matériels supplémentaires. Bien que le projet de loi de finances amorce un cycle d’investissement, il n’en demeure pas moins que les plus hauts responsables nous font part de leurs difficultés à répondre à la demande de leurs équipes, en ce qui concerne aussi bien l’entretien des véhicules, l’accès au carburant que le parc immobilier de l’État.À présent, passons à l’épineuse question des chiffres de la délinquance, qui est extrêmement inquiétante dans ses manifestations. Je veux dire un mot de la méthode de calcul de ces chiffres, car ils révèlent quelques surprises.Nous apprenions, il y a quelques mois, que vous aviez mis sur pied un nouveau service statistique ministériel visant, de manière impartiale, à intégrer les chiffres des crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie « dans le champ labellisé de la statistique publique ». Pourquoi pas ? Mais alors que va devenir l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, l’ONDRP, qui vient de mettre en place un nouveau tableau de bord de la délinquance ? Avec quels instruments statistiques va-t-on mesurer les chiffres et leur évolution ?Enfin, toujours en matière de statistiques, nous reprenons à notre compte les propos du rapporteur spécial, qui regrettait « que ne soit toujours pas mesuré le sentiment d’insécurité ».Concernant les violences non crapuleuses, les chiffres sont particulièrement inquiétants. Selon le dernier bilan de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, on observe une hausse très significative des violences non crapuleuses au cours de la dernière année : de l’ordre de 4 % en zone police et de 7 % en zone gendarmerie.En regardant plus attentivement la tendance de fond pour l’année 2013, les chiffres sont encore plus alarmants : le nombre de cambriolages est en augmentation de 7 %, pour atteindre au total le chiffre de 390 000 en 2013. Pour un certain nombre d’entre nous, maires de banlieue, nous savons ce qu’est l’inquiétude des populations face à l’accroissement du nombre des cambriolages.On note également une hausse des crimes et délits en matière d’atteintes aux biens, aussi bien en zone police – près de 3 % – qu’en zone gendarmerie – près de 4 %. Plus important sans doute, on remarque une évolution préoccupante du nombre des crimes et délits en matière d’atteintes volontaires à l’intégrité physique des personnes, tant en zone police qu’en zone gendarmerie.En matière de taux d’élucidation, les résultats doivent encore davantage nous interpeller. Ainsi, en zone police, ils ont nettement baissé pour les vols avec violence ainsi que pour les homicides. En ce qui concerne la gendarmerie, on ne constate pas d’évolution significative.Pour conclure sur les chiffres de la délinquance, je reprendrai à mon compte les propos d’Alain Bauer. Interrogé en avril 2014 sur le système pénal français, qui ne permet pas de faire baisser la délinquance, il disait : « Le maillon faible aujourd’hui, c’est la justice » – certes, vous n’êtes pas garde des sceaux – « pas tellement parce qu’elle fait mal son travail, mais parce qu’elle est marquée par ce que j’appelle la théologie de la libération, qui considère que toute politique pénale forte est injuste et discriminatoire. » En d’autres termes, alors que leur travail est de plus en plus difficile, comment les forces de l’ordre peuvent-elles encore être certaines que leurs efforts aboutiront à la neutralisation des malfaiteurs ?À ce sujet, je voudrais dire un mot du mal-être des policiers. Malheureusement, l’actualité récente me touche personnellement puisque, dimanche dernier, nous apprenions qu’une policière de trente-trois ans s’était suicidée avec son arme de service. Elle était affectée au commissariat de Charenton-Saint-Maurice, qui pourtant n’est pas soumis à une très forte pression. Cet événement est d’une exceptionnelle gravité. De même, jeudi dernier, une capitaine de police s’est suicidée au commissariat de Bastia.Ces deux policiers sont respectivement les quarante-huitième et quarante-neuvième à se donner la mort depuis le début de l’année. Ces chiffres doivent nous interpeller. Nous en sommes donc à nous demander si le record de suicides dans la police, qui date de 1996 et qui s’élevait à soixante-dix, ne va pas être battu.Conséquence de cette triste actualité, le directeur général de la police nationale, Jean-Marc Falcone, a réuni les syndicats de police sur ce sujet, le mercredi 5 novembre. Il a été évoqué la création d’un comité d’hygiène et de sécurité, qui se réunira après les élections professionnelles du 4 décembre prochain, et enfin une réunion que vous allez présider, ministre de l’intérieur, dès le début de l’année 2015. Pouvez-vous nous préciser ce qu’il en est, car les personnels de police sont manifestement très inquiets ?Enfin, je veux dire un mot du revirement de dernière minute du Gouvernement en ce qui concerne le permis de conduire à puce électronique.Nous apprenions, le 6 novembre, que le ministère de l’intérieur souhaitait retirer la puce électronique des nouveaux permis de conduire. Une directive européenne impose le format de carte de crédit à tous les États membres pour leurs permis de conduire. Au départ, la date de janvier 2013 avait été évoquée pour sa mise en place, avant d’être reculée à l’automne de la même année. Un an plus tard, trois millions de permis de conduire à puce électronique ont été distribués. Or, à partir de janvier 2015, les nouveaux permis de conduire, désormais délivrés au format « carte de crédit », ne disposeront plus d’une puce électronique.Le Gouvernement justifie cette décision en invoquant le coût de ce type de permis de conduire, qui s’élèverait à 6 millions d’euros par an. Au total, il semble que le Gouvernement puisse espérer une économie de 90 millions d’euros étalés sur toute la durée de remplacement des anciens permis de conduire.Permettez-moi, avec un certain nombre de nos collègues, de vous faire part de mon étonnement face à cette mesure, qui, à court terme, va pénaliser les entreprises françaises responsables de la fabrication des composants de ces puces électroniques, et qui, sur le long terme, est un bien mauvais calcul. En effet, le permis de conduire doté d’une puce électronique devait se transformer à terme en carte intelligente multi-usage, offrant des services divers et facilitant le travail des forces de police, qu’il s’agisse des différents types de permis, de l’assurance, des taxes ou du certificat du véhicule, qui auraient pu ainsi être contrôlés de manière globale.En conclusion, comme j’ai eu l’occasion de le dire précédemment, mon groupe politique et moi-même ne porterons pas le fer sur les grands arbitrages de cette mission « Sécurités », notamment en ce qui concerne les effectifs. Pour autant, le choix d’augmenter légèrement les effectifs à enveloppe constante n’est pas sans conséquence ; c’est ce que nous avons vu avec les mesures catégorielles. Aussi, tâchons de rester vigilants afin que la hausse du nombre de patrouilles sur la voie publique, élément essentiel de notre politique de sécurité, ne se fasse pas au détriment de la carrière de nos forces de l’ordre. Sans doute les redéploiements d’effectifs doivent-ils être davantage utilisés.Malgré ces arbitrages acceptables, le groupe UMP estime que les mesures opérationnelles ne sont pas de nature à apporter une réponse adaptée aux chiffres inquiétants de la délinquance qui viennent d’être dévoilés. 1000 http://www.senat.fr/seances/s201411/s20141128/s20141128_mono.html#par_2364 11773 47511 loi 2014-11-28 274 2014-12-02 04:15:57 2014-12-02 04:15:57 http://www.nossenateurs.fr/seance/11773#inter_5d0a9b05724861fd939f148aaac4a1b8