1325023 1058 de42759f397ffec2d26c81eacbdd06cf Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président- rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi relative à l’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié. On a pu entendre qu’il s’agissait d’un texte d’affichage politique rédigé au mépris de la réglementation européenne, tournant le dos à l’innovation, foulant aux pieds la recherche.Que les auteurs de ces affirmations me permettent de douter de la pertinence de leurs arguments. Est-ce un texte politique ? Oui, c’en est un ; c’est là tout son objet. Nous sommes tous au fait des péripéties, ces derniers mois, du TC 1507 de Pioneer à Bruxelles. Lorsque les procédures dysfonctionnent au point de laisser une minorité d’États décider, contre tous les autres et contre l’avis très tranché du législateur européen, sur une question aussi sensible que celle des OGM, il est alors de notre responsabilité d’apporter une réponse politique pleinement assumée, claire et ferme.Trop souvent, les partisans des OGM essaient de noyer le débat et de repousser les études scientifiques accablantes par l’artifice d’une argumentation technico-juridique destinée essentiellement à donner du temps et à brouiller leurs intentions. Face à cette stratégie, ne craignons pas d’user de la fibre politique. Les Français, qui sont massivement favorables à notre démarche d’interdiction, sont, je crois, en attente de marqueurs politiques forts. Ne nous privons pas de leur en donner !Manque de pertinence, également, dans l’accusation d’affichage politique : cette stratégie peine à masquer la réalité du rapport de force sur cette question. Il a toujours existé en France, et je m’en félicite, un certain consensus au sujet des OGM. Depuis l’activation de la clause de sauvegarde en 2007, les majorités successives ont toutes protégé notre pays contre le danger de la culture de plants OGM. Le principal effet de cette proposition de loi sera d’ailleurs de prolonger une décision du gouvernement de François Fillon. Cette décision était justifiée en mars 2012 ; elle l’est toujours aujourd’hui. Conservons la cohérence de la politique française en matière d’OGM.Manque de pertinence, enfin, car cette interdiction du maïs transgénique n’est pas une porte fermée à la recherche et à l’expérimentation. En la matière, notre débat récent sur l’avenir de l’agriculture a déjà apporté des éléments de réponse : l’article L. 533-1 du code de l’environnement satisfait la logique de recherche, puisqu’il dispose que la dissémination volontaire d’OGM est autorisée sous réserve du respect de certaines conditions de sécurité sanitaire, notamment en termes de risque de dissémination.J’ajoute que, justement, les partisans du maintien de l’interdiction sont, me semble-t-il, très attentifs à la question de la recherche en plein champ ou aux conséquences de la consommation de produits génétiquement modifiés, car c’est de la recherche que vient la preuve de la nocivité des OGM, ou du moins de leur dangerosité potentielle. Rappelons que le plus grand obstacle à la recherche est moins la législation française avec son principe de précaution que la politique de Monsanto, qui refuse l’acquisition du maïs MON 810 à des fins de recherche.Après la forme, examinons maintenant le fond.La proposition de loi ne dit rien de nouveau. Son examen est l’occasion de rappeler les dangers environnementaux de la culture du maïs MON 810, qui ont été mis en évidence il y a longtemps déjà : développement de la résistance chez les espèces cibles exposées, ce qui encourage le recours à des techniques de lutte contre les ravageurs au très lourd impact écologique ; destruction des populations non cibles – papillons et abeilles, notamment –, avec toutes les conséquences que l’on imagine pour la pollinisation et l’apiculture, sans parler de l’impact de la dissémination non contrôlée sur les filières refusant le recours aux OGM.La vérité est que les cultures OGM sont totalisantes : elles n’obéissent qu’à leur propre système, ou plutôt à celui qui a été conçu par leurs développeurs. On ne peut pas cultiver de manière conventionnelle ou biologique à proximité ; on ne peut développer quasiment aucune activité agricole dans les environs, à cause des disséminations et des impacts sur l’écosystème et la biodiversité. Les cultures OGM font entrer les agriculteurs dans une logique de dépendance préoccupante pour l’approvisionnement en semences et les enferment dans un mode de production et une filière dont il leur est très difficile de sortir.Nous avons récemment examiné et voté le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Cette discussion fut pour nous l’occasion de dire notre volonté de développer une agriculture soutenable sur les plans économique, environnemental et social, et la nécessité, pour y parvenir, de rompre avec la logique du « tout-intensif » et de mettre fin à la toute-puissance du productivisme aveugle.L’agriculture telle que la conçoivent les producteurs d’OGM est en totale contradiction avec l’orientation que nous avons choisie. La France et même l’Europe n’ont rien à gagner à entrer dans la compétition internationale avec les mêmes armes que le Brésil, les États-Unis ou le Canada : de cette compétition-là, nous sortirons toujours perdants ! Je crois pouvoir dire sans me tromper qu’il n’y a pas de place en France pour le développement d’une économie rentable des OGM. Les consommateurs français n’y sont pas favorables, et les agriculteurs voient bien qu’ils n’y ont aucun intérêt au-delà du très court terme.Cette proposition de loi n’est sûrement pas la dernière étape du combat, mais elle est essentielle : elle constitue un acte politique fort qui doit nous servir de référence positive. 2060 http://www.senat.fr/seances/s201405/s20140505/s20140505_mono.html#par_359 10954 44991 loi 2014-05-05 601 2014-05-08 04:13:47 2014-05-08 04:13:47 http://www.nossenateurs.fr/seance/10954#inter_de42759f397ffec2d26c81eacbdd06cf