1256930 1188 fe7afecfcc7fb89b507c735613453e73 Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a maintenant un an que notre mission commune d’information sur les pesticides a rendu son rapport intitulé : « Pesticides : vers le risque zéro ». Lors de son élaboration, nous nous étions fixé comme objectif de rendre actives les cent propositions qu’il contenait au cours de notre mandat. Je suis donc ravi que cette proposition de loi soit examinée en séance publique aujourd’hui.Comme Joël Labbé, je tiens à exprimer ma satisfaction d’avoir participé aux travaux de cette mission d’information. Nous nous sommes vraiment intéressés au fond, dans un esprit de cohésion. Je regrette seulement que l’esprit de consensus qui a régné au sein de la mission n’ait pas permis à ses membres de faire des propositions conjointes et plus globales, ce qui aurait évité l’éclosion de propositions de loi sans concertation entre ceux qui ont voté les recommandations.Lors des travaux de notre mission, nous avons constaté que, depuis plusieurs années, beaucoup d’efforts avaient été faits par les agriculteurs pour réduire leur dépendance aux pesticides, notamment à travers le plan Écophyto 2018 ou la formation Certiphyto, dans le but de tendre vers une agriculture toujours plus raisonnée. Nous assistons actuellement à une évolution vers une agrobiologie soucieuse du soin de la plante et de la terre et moins dépendante des produits chimiques. Il faut saluer ce changement.Si la tendance est à un usage réduit et maîtrisé des produits phytosanitaires dans le domaine agricole, force est de constater que les ménages et les collectivités territoriales demeurent très mal informés sur les effets de ces substances et sous-évaluent bien souvent leurs risques et dangers ; ce fut d'ailleurs le premier constat de notre mission d’information. Pour qui connaît les résultats des tests réalisés sur le bon état écologique de l’eau en amont et en aval des villes, le constat est sans appel : la présence de pesticides dans l’eau est bien plus importante en aval qu’en amont. Ici, ce n’est pas l’agriculture qui est en cause, mais bel et bien l’usage domestique et public des produits phytosanitaires.Au vu de cette réalité, il semble nécessaire de légiférer. La proposition de loi visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national, déposée par Joël Labbé et les membres du groupe écologiste, s’inscrit dans le prolongement des constats majeurs de notre mission d’information et se veut la mise en œuvre de quelques-unes de ses recommandations. Elle me paraît être une étape importante vers un meilleur encadrement de l’utilisation des produits phytosanitaires sur notre territoire. En effet, elle permettra, d’une part, d’interdire aux personnes publiques toute utilisation de produits phytosanitaires pour l’entretien des espaces verts, forêts et promenades, d’autre part, de prohiber leur commercialisation et leur utilisation pour un usage domestique.Je salue le travail de notre commission et de son rapporteur, qui a amélioré le texte en prévoyant notamment une exception à l’interdiction pour les produits de bio-contrôle et une possibilité de dérogation en cas de danger sanitaire lié à la propagation d’organismes nuisibles.Nous avons également beaucoup réfléchi sur la date de mise en œuvre des mesures proposées. L’application de l’article 1er a été reportée à 2020, et celle de l’article 2 à 2022 ; cela représente des reports de deux et quatre ans. C’était un aménagement nécessaire ; j’avais d’ailleurs déposé en commission des amendements visant à fixer un délai incompressible de cinq ans entre la promulgation de la loi et l’entrée en vigueur de ses dispositions. Un consensus s’est ensuite dégagé pour prévoir un délai raisonnable.Il faut en effet que les personnes publiques bénéficient du temps nécessaire pour former le personnel et convaincre les usagers de la nouvelle façon de concevoir l’entretien des espaces publics. Ce délai est également nécessaire à l’adaptation de la population à la nouvelle gestion des espaces verts. Cela impliquera de la pédagogie, notamment de la part des élus. Il faut une mutation de l’opinion ; celle-ci doit comprendre que, si des herbes folles sont laissées dans les espaces verts, ce n’est pas par négligence des services municipaux et du maire, mais pour des raisons environnementales et dans le souci de la santé des administrés. Cette évolution de l’opinion a débuté, mais elle n’a pas encore totalement abouti.Un délai raisonnable est également indispensable pour que les fabricants et distributeurs de pesticides s’adaptent ou se reconvertissent. Ce temps d’adaptation doit permettre aux entreprises de mener et faire aboutir des recherches permettant d’élaborer des préparations de substitution ou de bio-contrôle. Nous devons, a fortiori en temps de crise, veiller à préserver la structure économique de notre pays et les entreprises qui sont implantées dans nos territoires.En donnant du temps aux acteurs concernés, nous respectons nos engagements environnementaux et nous préparons un avenir meilleur pour nos enfants sans grever la compétitivité des entreprises.Concernant les produits phytosanitaires, nous devons évoluer progressivement afin que les préparations naturelles peu préoccupantes, les fameuses PNPP, soient homologuées, et que des produits nouveaux et sans danger soient recherchés. Nous avons besoin pour cela d’une ANSES – Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – qui soit performante ; ce point important a été souligné par la commission. L’ANSES joue en effet un rôle clé aussi bien dans l’évaluation des produits phytosanitaires avant leur mise sur le marché que dans l’observation des risques de ces substances pour la santé.À l’heure actuelle, nous sommes dans une impasse, notamment au niveau agricole. Beaucoup de producteurs sont démunis. Prenons l’exemple de la filière de la fraise, que je connais bien. Cette filière doit faire face à l’apparition d’un ravageur émergent nommé Drosophila Suzuki, et aucun produit n’est autorisé pour lutter contre cette mouche. Les essais de nouveaux produits de traitement sont prometteurs, mais les demandes d’autorisation de mise sur le marché – AMM – sont pénalisées par les retards et les délais d’instruction de l’ANSES : dix-huit mois de retard et dix-huit mois d’instruction, cela signifie trois ans d’attente avant d’avoir une AMM… Monsieur le ministre, il faut que l’ANSES dispose de moyens supplémentaires afin de corriger ces situations désastreuses. Les moyens doivent être à la hauteur des exigences posées par la proposition de loi.(Sourires.) La majorité des membres du groupe UDI-UC voteront donc cette proposition de loi. 6140 http://www.senat.fr/seances/s201311/s20131119/s20131119_mono.html#par_1363 10231 42732 loi 2013-11-19 347 2013-11-23 04:10:24 2013-11-23 04:10:24 http://www.nossenateurs.fr/seance/10231#inter_fe7afecfcc7fb89b507c735613453e73