1016875 1984 46ac226249a517e2eeed81a7f72d14a5 Il y a un peu plus de deux ans, le Sénat adoptait la proposition de loi du député Richard Mallié, qui avait pour objet d'introduire dans notre droit de nouvelles dérogations au principe du repos dominical. Ceux d'entre nous qui étaient déjà sénatrices et sénateurs en 2009 se souviennent que ce texte avait suscité de fortes réticences chez les sénateurs de gauche, mais aussi au sein de la majorité de l'époque. La proposition de loi avait été adoptée de justesse et le Sénat avait voté le texte conforme, comme si la majorité d'alors était pressée de clore au plus vite ce débat. La proposition de loi garantissant le droit au repos dominical, déposée par les sénatrices et les sénateurs du groupe CRC, vise à corriger les excès et les injustices de la loi « Mallié ». La démarche qui sous-tend cette proposition de loi est empreinte d'un très grand pragmatisme. Nous savons toutes et tous que des dérogations au repos dominical sont nécessaires. Elles conditionnent la continuité de nos services publics ainsi que le maintien de la compétitivité de certaines entreprises industrielles qui fonctionnent en continu, 365 jours par an. D'autres dérogations plus récentes ont vu le jour, dans le secteur du commerce notamment : je pense aux cinq dimanches du maire et à l'autorisation donnée aux commerces alimentaires d'ouvrir le dimanche matin, dérogations accordées avec comme argument de simplifier la vie des consommateurs.Il me paraît nécessaire de restreindre le champ des dérogations ouvertes par la loi « Mallié », qui est allée trop loin sur certains points, et de garantir de réelles contreparties aux salariés privés du repos dominical. Il est dans l'intérêt des salariés, de leurs familles et de la société toute entière de réaffirmer notre attachement au principe du repos dominical.J'évoquerai d'abord le cas des communes et des zones touristiques avant d'aborder la question des périmètres d'usage de consommation exceptionnel (Puce). Dans les communes et les zones touristiques, la loi « Mallié » a autorisé les commerces, quel que soit leur secteur d'activité, à faire travailler leurs salariés le dimanche tout au long de l'année. Ainsi, un magasin d'électroménager ou une quincaillerie - qui n'intéressent pourtant guère les touristes - peuvent ouvrir tous les dimanches, dès lors qu'ils sont établis dans une commune ou une zone touristique, et ce même en dehors de la saison touristique. La proposition de loi tend à inscrire dans le code du travail deux principes de bon sens :- d'abord, limiter aux seuls établissements qui mettent à la disposition du public des biens ou des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs le droit à déroger à la règle du repos dominical ; - ensuite, n'accepter ces dérogations que pendant la ou les saisons touristiques. La proposition de loi opère, à mes yeux, une conciliation satisfaisante entre les besoins des commerces qui travaillent pour la clientèle touristique et la sauvegarde du principe du repos dominical. Cependant, je vous proposerai tout à l'heure un amendement afin de corriger dans le texte une référence erronée au code du tourisme. Si elle était maintenue, cette référence aurait pour effet d'élargir considérablement le champ des dérogations au repos dominical, ce qui ne serait pas, vous vous en doutez, conforme à l'intention des auteurs du texte. Concernant les Puce, je voudrais faire un rappel avant de vous présenter le contenu de la proposition de loi. Les Puce ont été créés avant tout pour résoudre le problème de la zone commerciale de Plan-de-Campagne, qui se trouve être précisément située dans la circonscription de Richard Mallié, entre Aix et Marseille. Pendant des décennies, ces commerces ont ouvert le dimanche sur la base d'arrêtés préfectoraux, qui ont fini par être annulés par les tribunaux. Leur ouverture a néanmoins perduré en toute illégalité et la loi « Mallié » est venue régulariser leur situation en créant un nouveau cas de dérogation au principe du repos dominical. Dans les agglomérations de plus d'un million d'habitants, la loi autorise désormais les préfets à délimiter, sur demande du conseil municipal, des périmètres d'usage de consommation exceptionnel. Ces périmètres se caractérisent par l'existence d'habitudes de consommation dominicale, par l'importance de la clientèle concernée et par l'éloignement de cette clientèle. Les commerces situés à l'intérieur du périmètre doivent ensuite demander une autorisation individuelle à l'administration pour pouvoir déroger à la règle du repos dominical. La proposition de loi contient deux mesures concernant les Puce :- d'abord, aucune autorisation ne serait plus délivrée après le 1er janvier 2012 ; comme les autorisations sont accordées pour une durée limitée, cette disposition aurait pour conséquence de faire disparaître le travail dominical dans les Puce d'ici quelques années ; - ensuite, les autorisations délivrées aux commerces qui ouvraient illégalement le dimanche, avant l'adoption de la loi « Mallié », leur seraient retirées.Je partage la volonté des auteurs de la proposition de loi de mettre un coup d'arrêt à l'extension du travail dominical dans les Puce. Je rappelle qu'à ce jour une trentaine de Puce ont déjà été créés et que le nombre de commerces qui y sont implantés est de l'ordre d'un millier.En même temps, nous devons prendre en compte les réalités constatées sur le terrain et ne pas créer une instabilité juridique qui serait de nature à pénaliser les salariés eux-mêmes. Celles et ceux qui ont été embauchés pour travailler le week-end risqueraient de perdre leur emploi si les commerces pour lesquels ils travaillent devaient fermer le dimanche. C'est pourquoi je vous présenterai tout à l'heure un amendement tendant à prévoir qu'aucun nouveau Puce ne pourra plus être délimité après l'entrée en vigueur du texte, sans remettre en cause les Puce existants. Cela correspond davantage au souhait des auteurs de la proposition de loi, seule une mauvaise formulation a pu laisser apparaître une volonté de supprimer l'ensemble des Puce.Avant d'aborder la question des contreparties accordées aux salariés, je signale que la proposition de loi comporte une disposition qui précise que le repos dominical ne peut être considéré comme une distorsion de concurrence. Il est arrivé, en effet, que des préfets justifient l'ouverture dominicale de commerces en mettant en avant la distorsion de concurrence qui résulterait d'une fermeture imposée à certains commerces mais pas à ceux des communes voisines. Avec ce genre de raisonnement, le travail du dimanche risque de se diffuser, de proche en proche, et la proposition de loi vise donc à mettre un terme à cette évolution. J'en arrive à la question des contreparties que la proposition de loi envisage d'accorder aux salariés privés du repos dominical. La loi « Mallié » a introduit une différence de traitement choquante entre les salariés employés dans les Puce et celles et ceux qui travaillent dans les communes et les zones touristiques :- les premiers sont, en principe, volontaires pour travailler le dimanche et ils ont droit à des contreparties, fixées par voie d'accord collectif ; à défaut d'accord, la loi indique qu'ils ont droit, au minimum, à un salaire double et à un repos compensateur pour les heures travaillées le dimanche ; - les seconds, en revanche, n'ont droit à aucune contrepartie et peuvent se voir imposer de travailler le dimanche.Les auteurs de la proposition de loi souhaitent mettre fin à cette inégalité et appliquer les mêmes règles protectrices aux salariés des Puce, aux salariés qui travaillent dans les communes et les zones touristiques, à ceux qui sont privés du repos dominical dans le cadre des cinq dimanches du maire et enfin à ceux qui travaillent le dimanche sur le fondement de l'article L. 3132-20 du code du travail (cas où le repos simultané, le dimanche, de tous les salariés d'un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de l'établissement). Dans ces différentes hypothèses, les congés sont donnés par roulement et le dimanche n'est pas forcément le jour de repos accordé aux salariés.Trois garanties seraient apportées à ces salariés :- d'abord, seuls les salariés ayant donné volontairement leur accord par écrit pourraient travailler le dimanche ; un refus ne saurait être pris en considération pour ne pas embaucher un candidat et ne pourrait justifier de mesures discriminatoires contre un salarié ; le salarié pourrait revenir sur son accord et bénéficier d'un droit de priorité pour occuper un emploi ne comportant pas de travail dominical, selon les mêmes modalités que celles aujourd'hui prévues pour les salariés des Puce ; - ensuite, l'autorisation de déroger au principe du repos dominical serait subordonnée à la conclusion d'un accord de branche ou d'un accord interprofessionnel, fixant les conditions dans lesquelles l'employeur prend en compte l'évolution de la situation personnelle des salariés privés du repos dominical, ainsi que les contreparties qui leur sont accordées ; - enfin, la loi garantirait aux salariés le bénéfice d'un repos compensateur et d'un salaire double pour les heures travaillées le dimanche.Ces dispositions seraient de nature à offrir aux salariés privés du repos dominical une vraie compensation pour le préjudice qu'ils subissent sur leur vie familiale et personnelle.En conclusion, je pense que l'adoption de cette proposition de loi marquera la volonté du Sénat de rompre avec la logique libérale qui a prévalu depuis dix ans. Les activités marchandes ont leur importance, mais elles ne sauraient se développer au détriment des droits sociaux des salariés ni prendre le pas sur les autres dimensions de la vie en société : la vie familiale et amicale, les activités culturelles et sportives, la vie associative et militante, la vie spirituelle, ont au moins autant d'importance que le développement du commerce. L'ouverture des commerces le dimanche n'est ni un gage de « modernité » ni une condition du succès économique. Nos voisins allemands ont conservé une législation très restrictive, ce qui ne les empêche pas de connaître les résultats que l'on sait. Il serait bon que le Gouvernement, qui préconise une convergence franco-allemande dans tous les domaines, s'en souvienne au moment où nous examinerons cette proposition de loi en séance publique.Enfin, je tiens à préciser que nous avons respecté le protocole relatif à la concertation avec les partenaires sociaux. Nous avons écrit aux organisations représentatives des salariés et des employeurs pour connaître leur position sur le texte. J'ai reçu les réponses de la CGT, de la CFDT, de la CFTC ainsi que de la CGPME et de la confédération générale de l'alimentation en détail (CGAD), qui est une organisation membre de l'Upa. Ils m'ont indiqué qu'ils en approuvaient les dispositions, la CGPME soulignant toutefois que des dérogations au principe du repos dominical sont nécessaires. Les contributions seront annexées au rapport. 80 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20111107/soc.html#par535 8312 28574 commission 2011-11-09 555 rapporteure 2012-07-30 17:31:11 2012-07-30 17:31:11 http://www.nossenateurs.fr/seance/8312#inter_46ac226249a517e2eeed81a7f72d14a5