Néonicotinoïdes et impacts sur l environnement
Les néonicotinoïdes sont une famille d insecticides agissant sur le système nerveux central des
insectes Ce type de produits est présent sur le marché français depuis 1994 Cette dénomination de
néonicotinoïdes concerne les substances actives suivantes : thiaméthoxam imidaclopride
thiaclopride acétamipride et clothianidine qui sont par exemple jusqu à 10 000 fois plus toxiques que
le DDT pour les abeilles
Contrairement à d autres pesticides qui restent sur la surface du feuillage traité ces insecticides
systémiques pénètrent dans la plante et sont transportés dans tous les tissus feuilles fleurs racines
et tiges ainsi que dans le pollen et le nectar
En conséquence de leur usage largement répandu ces substances se retrouvent dans tous les
compartiments de l environnement : sol eau et air La persistance dans les sols les cours d eau et les
plantes non cibles est variable mais peut être longue Ainsi la demi vie des néonicotinoïdes dans les
sols est de plusieurs mois et peut dépasser 1000 jours De même ils peuvent persister dans les
plantes ligneuses pour des périodes supérieures à un an
L évaluation mondiale intégrée WIA : Worldwide Integrated Assessment entreprise par le
groupe de travail sur les pesticides systémiques TFSP : Task Force on Systemic Pesticides a
fourni une analyse complète et indépendante sur ces produits chimiques et leurs impacts sur les
écosystèmes et sur la biodiversité afin d informer sur les mesures à prendre Rassemblant tout ce qui
est connu et publié cette évaluation a consisté en l analyse de près de 1000 études par une trentaine
de chercheurs du monde entier dans les différents champs disciplinaires concernés de la biologie à la
physique la chimie la toxicologie
Les résultats ont été publiés dans le journal à comité de lecture : Environmental Science and Pollution
Research ESPR Springer en ligne en 2014 et sous forme d une édition spéciale en janvier 2015
Un extrait des conclusions :
•
Les néonicotinoïdes sont persistants en particulier dans les sols pendant des mois et
dans certains cas pendant des années où ils s accumulent Cela augmente leurs impacts
toxiques en augmentant la durée d exposition des espèces non cibles invertébrés du sol
principalement
•
Les métabolites des néonicotinoïdes les composés issus de leur décomposition sont
souvent autant voire plus toxiques que les substances actives
•
La combinaison de la persistance pendant des mois ou des années et de la solubilité dans l eau a
conduit à la contamination à grande échelle des sols des eaux de surface et de la végétation
traitée et non traitée et à l accumulation dans les sols et les sédiments Il existe des preuves
solides que les sols les cours d eau et les plantes dans les milieux agricoles urbains et les zones
de drainage sont contaminés avec des concentrations environnementales très variables par des
mélanges de néonicotinoïdes et de leurs métabolites Pour le milieu aquatique ce sont les
invertébrés aquatiques à la base de la chaîne alimentaire qui sont les plus impactés
•
La biodisponibilité à grande échelle de ces insecticides dans l environnement mondial est à
des niveaux qui sont connus pour induire des effets létaux et sublétaux sur un large éventail de
micro organismes bénéfiques terrestres des sols et aquatiques des invertébrés et des
vertébrés Cette biodisponibilité induit des risques pour le fonctionnement des écosystèmes et
les services éco systémiques fournis par les écosystèmes terrestres et aquatiques y
compris les fonctions des sols et de l eau douce comme le recyclage de la matière organique et le
cycle des éléments nutritifs la production alimentaire la lutte biologique et les services de
pollinisation
•
Expositions multiples des pollinisateurs : les pollinisateurs comme les abeilles sont exposés à
travers au moins : un contact direct avec les poussières pendant les semis la consommation du
pollen du nectar des gouttes de guttation des nectaires extra floraux du miellat issu de plantes
cultivées et traitées l exposition à l eau contaminée la consommation de pollens et de nectar
contaminés provenant des fleurs et des arbres sauvages qui poussent près des cultures traitées ou
des plans d eau contaminés L étude des réserves dans les colonies d abeilles à partir d un éventail
d environnements très variés à travers le monde montre que les colonies sont régulièrement
exposées de manière chronique aux néonicotinoïdes et à leurs métabolites le plus généralement
de l ordre de 1 à 100 ppb souvent en combinaison avec d autres pesticides dont certains sont
connus pour agir en synergie avec les néonicotinoïdes
•
Les impacts sur les pollinisateurs sont particulièrement préoccupants Chez les abeilles les
concentrations réalistes sur le terrain nuisent à la navigation individuelle l apprentissage la
collecte de nourriture la longévité la résistance aux maladies et la fécondité Pour les bourdons
les effets irréfutables au niveau de la colonie ont été trouvés chez les colonies exposées chez
lesquelles la croissance est plus lente et la production de reines est bien moindre
•
L ensemble des preuves examinées indique que l échelle actuelle d utilisation des
néonicotinoïdes n est pas une approche de gestion de la lutte antiparasitaire durable et
qu elle compromet les actions de nombreuses parties prenantes dans le maintien et le soutien de
la biodiversité et par suite des fonctions et les services écologiques rendus par divers
organismes
•
Malgré l interdiction européenne partielle les néonicotinoïdes restent très largement
utilisés notamment en France : la Commission européenne a restreint l utilisation de trois
substances actives de la famille des néonicotinoïdes clothianidine thiaméthoxam et
imidaclopride suite à plusieurs avis de l Agence Européenne de Sécurité des Aliments EFSA
constatant les risques élevés de l utilisation de ces substances pour les abeilles Cette décision a
constitué un premier pas important dans la reconnaissance du rôle de ces molécules dans le déclin
des pollinisateurs constaté dans toute l Europe et dans de nombreuses parties du monde Malgré
cela ces produits restent utilisés sur de très larges surfaces car les restrictions ne concernent ni
les céréales d hiver la majorité en France ni les traitements foliaires après floraison Les abeilles
et pollinisateurs continuent à être exposés poussières des semis pollen et nectar des adventices
et des cultures suivantes
•
L abeille et les pollinisateurs sont le vecteur de pollinisation indispensable à la biodiversité et aux
rendements des cultures agricoles La valeur économique de la pollinisation a été estimée à
28 5 milliards de dollars US par an dans l UE 35% de la production mondiale de nourriture
est liée aux insectes pollinisateurs On estime un déficit de 13 4 millions de colonies d abeilles
pour polliniser correctement les cultures européennes et en France à peine 25 % des colonies
nécessaires sont présentes Il est urgent et nécessaire d agir
•
Bien sûr les néonicotinoïdes ne sont pas les seuls responsables du déclin des abeilles mais
lorsqu elles ne seront plus chroniquement intoxiquées elles réagiront mieux aux autres agressions
Lorsque l Italie a interdit leur usage les mortalités de ruches ont chuté de 37% à 15% en
trois ans
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Madame la présidente monsieur le ministre mes chers collègues cher Joël Labbé vous avec j ai cheminé à l occasion de la mission commune d information précitée en effet de nombreuses études établissent un lien entre la mortalité des abeilles et l utilisation des néonicotinoïdes Certaines sont naturellement contestées et c est la raison pour laquelle les législateurs que nous sommes doivent s appuyer essentiellement sur les travaux effectués par les agences pour asseoir leur opinion : la science rien que la science Or c est bien sur la base de plusieurs avis de l Agence européenne de sécurité des aliments que la Commission européenne considérant les études de dangerosité probantes a restreint fortement l utilisation de trois substances Aujourd hui la question est donc de savoir s il faut aller plus loin Sans chercher le moins du monde à éluder le risque que font peser un certain nombre de substances chimiques sur les colonies d abeilles il est important de sortir du dogme et de rappeler tout d abord que la mortalité des pollinisateurs est un phénomène d origine multifactorielle À ce titre une étude publiée en 2009 par l AFSSA l Agence française de sécurité sanitaire des aliments a recensé les principaux agents biologiques pathogènes de l abeille Il était alors dénombré dix huit maladies dues à des prédateurs parasites champignons ou bactéries et douze virus pouvant occasionner la mort de ces insectes dont bien entendu la varroose et le frelon asiatique qui déciment des milliers de ruches Outre les agents biologiques et chimiques les causes de mortalité des colonies d abeilles peuvent être liées à l environnement alimentation facteurs climatiques champs électriques ou aux pratiques apicoles elles mêmes Par conséquent c est bien la coexistence de facteurs qui est à l origine de la mortalité des abeilles Et il est bien difficile à cette date de parvenir à une certitude scientifique sur la prédominance d un facteur sur l autre Une évaluation globale s intéressant aux interactions entre ces facteurs est donc nécessaire À cet égard je tiens à saluer les travaux menés par l ANSES sur ce sujet Je mentionnerai en premier lieu le programme de surveillance Epilobee qui établit une surveillance active de la mortalité des colonies d abeilles dans dix sept États membres même si j émets le souhait monsieur le ministre que la détection de produits phytosanitaires soit rapidement intégrée à ce programme En second lieu je relèverai la mise en place par l ANSES depuis 2012 d un groupe d experts destiné à mieux comprendre les effets des co expositions aux produits phytosanitaires et aux agents pathogènes sur le devenir des colonies L objet de cette étude dont les résultats sont imminents ils sont attendus au cours du deuxième semestre de cette année est d émettre des propositions et des recommandations Ainsi je déplore le positionnement des auteurs de cette proposition de résolution qui ont tendance à réduire à un seul facteur l affaiblissement des colonies d abeilles Sur un sujet aussi important qui mérite l adhésion de tous il s impose de sortir du dogme politique À cette fin nous devrions patienter quelques mois pour obtenir les résultats de l ANSES et nous appuyer sur ses recommandations Je le répète : la science rien que la science Pour conclure je regrette également le sens unilatéral de la démarche qui me semble t il n a pas suffisamment associé les agriculteurs et les industriels ces derniers considérant évidemment cette proposition de résolution comme une sanction à l innovation et à la recherche En effet nous ne pouvons pas occulter le fait que les substances néonicotinoïdes représentent un intérêt économique certain pour le secteur agricole Elles ont démontré leur efficacité notamment dans la lutte contre les ravageurs aériens et ceux du sol Les interdire sans disposer de solution alternative efficace assurant l équivalence des rendements me semble contreproductif du point de vue de l acceptabilité de cette mesure par le monde agricole De plus l instauration en l état d un moratoire européen sur les produits néonicotinoïdes ne manquerait pas de provoquer le retour à une utilisation massive d insecticides foliaires appliqués par pulvérisation ce qui serait contraire aux objectifs du plan Écophyto Ainsi il me semble prématuré d engager un tel moratoire C est d ailleurs la raison pour laquelle je m abstiendrai sur ce texte Cette abstention doit constituer un signal pour les industriels Face à la multiplication des études analysant les risques des substances néonicotinoïdes elle invite à poursuivre et intensifier les recherches sur les techniques agronomiques les solutions de bio contrôle ou les produits de substitution Elle doit constituer aussi un signal politique : les démarches entreprises sur ces sujets doivent impérativement associer étroitement les mondes scientifique économique et associatif afin que réalistes elles puissent être acceptées et surtout afin qu elles soient enfin pérennes et efficaces
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